Patrick Devedjian endosse le rôle de porte-parole du sarkozysme
AVEC A moi le ministère de la parole ! (*), Patrick Devedjian ne fait pas mentir sa réputation de «cogneur». Premier livre d'un ancien ministre du gouvernement Raffarin, c'est aussi le premier ouvrage d'un sarkozyste du cercle rapproché qui entend planter le décor de la prochaine échéance présidentielle. De son expérience d'ancien ministre, Patrick Devedjian livre des anecdotes édifiantes, raconte ses guerres de tranchées avec l'administration, et brosse quelques portraits à l'acide, dont ceux de Thierry Breton et de Jean-Pierre Raffarin, un homme ayant le plus grand mal à «décider», estime-t-il. Mais, au tribunal de Devedjian, Jacques Chirac est celui qui s'en sort le moins bien. Celui qui fut l'ancien avocat de Jacques Chirac – il lui fit gagner vingt procès – s'en fait cette fois-ci le procureur implacable.
Implacable contre Chirac
Et, alors que Nicolas Sarkozy se tient pour l'instant à son intention de rester «bouche cousue» sur l'hôte de l'Elysée, son complice y va carrément : «Des convictions, il n'en a pas, mis à part un fort attachement aux droits de l'homme.» Il rappelle au passage le mot de Jacques Chirac qui, en 1994, avait lancé à ses proches, avant le début de la campagne présidentielle : «Je vous étonnerai par ma démagogie !»
En comparaison, les propos sur Dominique de Villepin paraissent moins durs que prévu. Devedjian s'inquiète de son côté «exalté», mais il souligne surtout une divergence de convictions : «Villepin est un jacobin, partisan d'un Etat autoritaire, centralisé et un peu flamboyant.» En résumé : «Raffarin, c'était la France d'en bas. Villepin, c'est la France d'avant.» Ce livre, qui se place sans complexe du côté de «la rupture» prônée par Nicolas Sarkozy, plaide pour «l'autonomie de la société», alors que «les jacobins, comme les socialistes, croient que l'Etat doit réguler la société».
Huit mois après sa sortie du gouvernement, le conseiller de Nicolas Sarkozy n'a donc pas perdu son temps. Redevenu, en septembre, député des Hauts-de-Seine, il s'est alors donné pour tâche de structurer à l'Assemblée le «sarkozysme parlementaire». Mais l'ex-avocat est avant tout un bretteur. Son intention n'est pas de susciter les vocations chez les élus. Ce solitaire est un intello, formé par Raymond Aron aux arcanes de la philosophie libérale. Aujourd'hui, il veut être le «Badinter» du candidat Sarkozy, selon l'expression d'un proche. Il cache à peine son rêve de devenir garde des Sceaux et consacre de nombreuses pages dans son livre à la réforme de la justice. Mais il compte aussi être le bras armé de «Nicolas» dans la lutte «idéologique» contre la gauche. Dans quelques semaines, il annoncera la création d'un «collectif de la rupture», réunissant «des intellectuels qui donneront un contenu à ce concept», confie-t-il, avant d'ajouter : «Pendant trop longtemps, l'infériorité de la droite dans le débat politique s'est expliquée par son complexe d'infériorité dans le débat d'idées.»
«L'homme des formules»
«Patrick n'est pas un organisateur. C'est l'homme des formules. Il fait mouche avec une phrase. Il lance ou il relance le débat. Et c'est sur ce terrain qu'il peut être le plus utile à Nicolas dans les prochains mois», analyse un autre compagnon de route du ministre de l'Intérieur. Les relations entre Nicolas Sarkozy et Patrick Devedjian ont d'ailleurs évolué ces derniers mois. «Pendant longtemps, Nicolas se tournait d'abord vers Edouard Balladur pour parler du fond. Il le fait de plus en plus avec Devedjian», note un proche. Par son éloge vigoureux des talents de Nicolas Sarkozy, le livre qu'il publie ne devrait pas les éloigner.
(*) A moi le ministère de la parole !, de Patrick Devedjian. Editions L'Archipel, 240 p., 17,95 euros.
(le figaro)
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