Du boeuf aux hormones au poulet à la dioxine, des organismes génétiquement modifiés (OGM) à la vache folle, différents scandales ont remis l’agriculture au centre des débats et des peurs qui agitent nos sociétés. Partout, la fuite en avant productiviste, la recherche de profits rapides, ont aggravé les problèmes et renforcé la méfiance des consommateurs. L’avenir de l’agriculture dépasse désormais largement le monde rural et est devenu un enjeu de civilisation. En France, les dérives se sont appuyées sur la politique agricole commune européenne, mais aussi sur un syndicat tout-puissant, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Contrôlant d’une main de fer la quasi-totalité des structures du milieu, dictant ses volontés aux ministres, bénéficiant de la manne de l’argent public, la FNSEA est le dernier syndicat français « à la soviétique ». Les élections aux chambres d’agriculture du 31 janvier diront si ce syndicat - par principe hostile au pluralisme, et tout particulièrement à la Confédération paysanne - va continuer à faire partout la pluie et le beau temps.
Par Paol GornegCombien sont-ils d’éleveurs à avoir renvoyé leur carte d’adhé rent de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) à son président, M. Luc Guyau, à la suite de sa déclaration du 7 novembre 2000, réclamant « l’abattage de tous les bovins nés avant le 15 juillet 1996 », en guise de réponse à la panique suscitée par l’extension des cas de vache folle en France ?
Ce « véritable coup de poignard dans le dos », comme le qualifie un responsable de chambre d’agriculture qui préfère garder l’anonymat - attitude très fréquente dans le milieu agricole lorsqu’il est question de la FNSEA -, risque de coûter des voix au syndicat lors des élections professionnelles du 31 janvier 2001.
Que cherchait M. Guyau ? A surenchérir sur le président de la République, qui venait de réclamer l’interdiction totale des farines animales ? Ou, prenant cyniquement en otage l’émotion du public, espérait-il obtenir du gouvernement le financement d’une restructuration de toute la filière bovine française, en crise depuis de nombreuses années ? Ou encore, voulant faire oublier les silences et tergiversations de son syndicat sur la propagation de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), entendait-il, lui, le producteur de lait, seulement protéger l’élevage intensif laitier - à l’origine des vaches folles - en jetant l’opprobre sur l’ensemble des éleveurs bovins ? Ou s’est-il lancé dans une opération de diversion destinée à occulter la responsabilité des fabricants de farines, base de l’élevage intensif ?
Ou bien est-il intervenu un peu pour chacune de ces raisons, qui révèlent ainsi sa vision de ce qui se passe dans les étables ? Toujours est-il que l’on n’avait jamais vu un dirigeant syndical jeter un tel discrédit sur ses mandants !
Ce qui est certain, c’est que M. Luc Guyau tente de reprendre l’initiative, en essayant de ressouder la profession derrière le mot d’ordre habituel de la FNSEA : « Les pouvoirs publics n’en font pas assez ! » Bref, « des sous ! », comme d’habitude. Au-delà de la démagogie traditionnelle de son syndicat, consistant à rassembler dans un destin commun le petit éleveur de montagne et l’agri-manager des grandes plaines céréalières, il s’agit bien de présenter au contribuable la facture des errements d’une agriculture intensive déjà largement subventionnée, et d’utiliser les paysans qui travaillent proprement comme paravents des fermes-usines (1). En clair, après avoir payé une première fois pour se faire polluer et empoisonner, le citoyen-contribuable devrait payer une seconde fois pour renflouer un petit nombre d’abonnés aux subventions...
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