Les vraies et fausses ruptures de François Bayrou

De la posture à l'imposture

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Citation :: samedi 17 mars 2007

François Bayrou doit son succès à l’idée qu’il tente d’accréditer selon laquelle il incarnerait une rupture avec le « système » bipolaire. S’il était l’incarnation véritable de cette rupture, peut-être aurions-nous eu un regard intéressé sur la démarche du président de l’UDF. Sauf que l’individu est, comme le rappelait Henri Guaino dans un entretien au Monde vendredi, « un pur produit du système des partis » et que « sa popularité est d’abord le fruit d’une posture ». Quatre ans ministre de l’Éducation nationale dans le gouvernement d’Édouard Balladur, le président de la nouvelle UDF avait, pour seule réforme, d’ampleur, réveillé la guerre scolaire avec sa tentative de réforme de la loi Falloux. Pas de quoi se poser en rebelle ni en encore moins en rédepteur.

Mais c’est sur les vraies ruptures de François Bayrou que l’on glisse de la posture à l’imposture : aujourd’hui présenté comme un défenseur des vraies valeurs républicaines, M. Bayrou défend pourtant la ratification de la charte européenne des langues régionales et minoritaires [1], se montre ardent militant de la régionalisation de la France — préconisant au passage le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne et le regroupement des deux Normandie — et promoteur de la liquidation de la Ve République. Sur l’Europe, il défend une vision supranationale, conviction cardinale face à laquelle la promesse de repasser un prochain avatar de traité constitutionnel européen devant le peuple français pèse de peu de poids. Son discours de Strasbourg, dans lequel il propose une Europe à géométrie variable, n’est pas seulement une manifestation de « pragmatisme centriste » face à l’hétérogénéité patente de l’espace européen ; c’est surtout une manière détournée de rendre possible, à quelques-uns (le noyau dur de l’Europe de 1957), des avancées majeures vers une fédération d’États sonnant le glas de l’Europe des nations à laquelle les Français ont rappelé leur attachement le 29 mai 2005. Est-ce d’ailleurs un hasard si le président de l’UDF a reçu le soutien du Parti fédéraliste [2] ?

Pour d’autres raisons, Simone Veil — qui a pris la présidence du comité de soutien à Nicolas Sarkozy — vient de parler d’« imposture » [3] à propos de la candidature de François Bayrou. Recrutée par le ministre de l’Intérieur pour faire de l’anti-Bayrou, elle est ici dans son rôle. Reste que, comme l’ajoutait Henri Guaino : « Il va falloir maintenant que François Bayrou dise aux Français qui il est et ce qu’il veut. » François Bayrou : un faux-vrai rebelle sans doute, un vrai-faux républicain assurément.

Frédéric BECK
Revue républicaine