La "réserve citoyenne" de la police suscite des interrogations
PARIS (AFP) - La "réserve citoyenne" de la police, annoncée jeudi par Nicolas Sarkozy, est perçue plutôt favorablement par les syndicats de policiers, mais pas tous, et certains estiment que le projet, encore "confus" à ce stade, devra faire l'objet de précisions et d'un contrôle strict.
Le ministre de l'Intérieur a proposé, à l'occasion de ses voeux à la presse, la création d'une "réserve citoyenne de la police nationale", à l'image de ce que sont les sapeurs-pompiers volontaires.
Abordant la question de "la lutte résolue contre les bandes", M. Sarkozy a estimé qu'une autre "réponse est à rechercher", "la réserve citoyenne", qui "sera constituée de citoyens, qui comme les sapeurs-pompiers volontaires veulent donner un peu de leur temps pour apporter leur contribution à la création d'une meilleure sécurité".
Il a prévu "dès cette année (...) 1.000 volontaires", précisant qu'ils "seront agréés par la police, porteront des signes distinctifs (...), ne seront pas armés, ne participeront à aucune mission de police" et se verront confier des "missions de médiation" ou "de relation avec la population".
"L'idée est séduisante", a déclaré vendredi le secrétaire général du Syndicat national des officiers de police (SNOP, majoritaire), Dominique Achispon, "sous réserve de savoir qui va les encadrer et les former".
Durant les violences urbaines, selon lui, "il y a eu des risques que se créent des milices". "Il faut éviter cela et l'annonce de la +réserve+ le prend sans doute en compte", analyse-t-il.
"C'est une idée de l'UMP, pas du ministre de l'Intérieur", a ironisé de son côté Bruno Beschizza, le dirigeant de Synergie (second syndicat d'officiers). "Une bonne idée, même si nous n'avons pas été consultés" et qu'il est "encore tôt pour se prononcer", selon lui.
"Il faut un contrôle strict de cette réserve", insiste-t-il, afin notamment d'éviter "de se retrouver en face de types qui auraient l'impression de faire du Rambo".
Jean-Claude Delage, secrétaire général d'Alliance (1er syndicat de gardiens de la paix), estime que la réserve "peut éviter des milices" et être "complémentaire".
L'UNSA-police se demande à l'inverse si le projet ne va pas contribuer à en créer. "N'allons-nous pas encourager la création de milices privées, avec tous les risques de dérapage que cela comporte ?", a déclaré son secrétaire général Jo Masanet, dans un entretien à paraître samedi dans le Républicain lorrain.
Le syndicaliste s'est aussi dit "très perplexe, pour ne pas dire inquiet" en relevant que des éducateurs, des médiateurs et des associations oeuvrent déjà dans les quartiers aux côtés des forces de l'ordre.
Beaucoup de dirigeants évoquent une "annonce", bien "dans le style Sarko", qui doit "être concrétisée".
Jean-Marie Salanova, "patron" du syndicat majoritaire chez les commissaires (le SCHFPN), ajoute qu'il faudra "éviter la confusion des genres" et bien "préciser les missions".
Il donne en exemple une force qui le séduit, les "special constables" de Grande-Bretagne, des citoyens qui sont formés et rémunérés pour patrouiller avec les "bobbies".
Le chercheur et maître de conférences François Dieu, spécialiste des questions de sécurité, est plus circonspect. Il pense que la future réserve ne peut être comparée avec le modèle britannique.
"Son effectif sera très limité", explique-t-il, et "les missions de médiation sont déjà effectuées en France par les collectivités locales". La "réserve citoyenne" existe dans la gendarmerie, ajoute-t-il, résumant que ce projet lui paraît "très confus".