Les stations rechignent à punir les skieurs dangereux
Le ministre de l'Intérieur a parlé de «tolérance zéro» lors d'un récent déplacement à Chamonix.
DE PASSAGE À CHAMONIX, Nicolas Sarkozy a réclamé «des sanctions contre ceux qui prennent des risques sur les pistes de ski» prônant «une tolérance zéro. Ce que nous avons réussi sur la route, on va le réussir en mer et en montagne», a ajouté le ministre de l'Intérieur, avant de conclure : «quand le gendarme ou le policier est là, on fait attention».
Dans les stations, skieurs et professionnels du tourisme ont perçu la menace. «On vient ici pour se dépayser, et voilà que l'on va bientôt se faire flasher par des radars sur les pistes, se faire verbaliser par des gendarmes planqués derrière un sapin. Ça devient infernal. Si les pistes deviennent aussi surveillées que le périphérique, l'année prochaine, on restera à Paris», ironise Philippe, rencontré à Avoriaz (Haute-Savoie). Sur une piste de débutants, Florence, une jeune maman, n'en fulmine pas moins contre «ces abrutis qui descendent comme des bombes au milieu des enfants. S'il y avait des gendarmes, ça les calmerait certainement».
Les gendarmes, cela va de soi, s'apprêtent à suivre les consignes du ministre : «Il va y avoir des patrouilles sur les pistes. Les textes législatifs permettent des poursuites en cas de mise en danger de la vie d'autrui. Ce type de délit est surtout constaté sur la route pour des conducteurs qui ont un comportement irresponsable au volant. Mais sur les pistes, on peut faire un parallèle avec le comportement de certains skieurs qui ne respectent pas les autres», explique le lieutenant-colonel Christian Rodriguez, commandant du groupement de gendarmerie de Haute-Savoie.
Espace de liberté
A Albertville, Me Maurice Bodecher, spécialisé dans le droit du ski, a une autre analyse : «la mise en danger d'autrui se caractérise par une violation délibérée d'une règle de sécurité. Les automobilistes doivent respecter le code de la route, mais sur les pistes, il n'y a aucun code du ski, aucun texte législatif précis. Seul un arrêté municipal ou une loi permettrait aux gendarmes d'interpeller des skieurs». En Savoie, département qui compte sur son territoire les plus grandes stations françaises (La Plagne, Val-d'Isère, Les Arcs, Courchevel, Val-Thorens, Les Ménuires, Méribel), le procureur de la République d'Albertville, Henri-Michel Perret estime, lui, «que l'on pourrait tout à fait interpeller un skieur ou un surfeur pour mise en danger d'autrui, car les règles de bonne conduite du skieur sont déjà prises en considération par les tribunaux. Mais actuellement les poursuites ne s'effectuent que lorsqu'il y a eu un accident. Intervenir en amont ne se fait pas. Je n'ai pas connaissance de procédure de ce type. D'ailleurs on n'en aurait pas les moyens, car les gendarmes ont déjà énormément de travail avec la lutte contre la délinquance ordinaire dans les stations».
Pour Christian Reverbel, directeur du domaine skiable de l'Alpe-d'Huez, «le système de répression mis en place sur les routes est difficilement transposable sur les pistes. La montagne est appréciée par les touristes parce que c'est un espace de liberté. Dans les stations, nous misons beaucoup sur la prévention et les pisteurs secouristes sont en général respectés, même s'ils n'ont pas le statut d'officier de police judiciaire comme les gendarmes». N'empêche que, souligne le lieutenant-colonel Rodriguez, «on ne peut pas laisser faire n'importe quoi sous prétexte que les gens sont en vacances». Jacques Guillot, maire de Chamrousse (Isère) et porte-parole des stations françaises estime «qu'il n'y a pas de voyous sur les pistes, mais des personnes qui doivent être rappelées à l'ordre. Et cela ne passe pas forcément par la répression».
@Figaro
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