ou quand la tentation du tout sécuritaire confine à l'absurde avant peut être de virer en dictature.
«B ig Brother est devenu fou.» C'est le cri d'alarme lancé hier par les défenseurs britanniques de la vie privée. Au Royaume-Uni, les caméras de surveillance pourront prendre la parole et sermonner les mauvais sujets. Après un essai dans le nord de l'Angleterre, le ministère de l'Intérieur a lancé hier un programme visant à installer des caméras parlantes sur vingt sites du pays. Le coût de l'opération est estimé à 500 000 livres (740 000 euros).
Réunis dans une salle, des agents de contrôle pourront intervenir au spectacle d'une personne laissant tomber un papier sur le sol, d'une dispute violente ou d'un tagueur en action. Il s'agit, assure le gouvernement, de réduire les coûts d'entretien de la voirie et d'intervention de la police sur des méfaits mineurs. Pour optimiser l'impact de la semonce, il a même été décidé d'employer... des enfants. A l'issue d'une compétition organisée dans vingt écoles, les jeunes gagnants seront appelés à devenir la voix grondeuse le temps de la journée de lancement. «Le gouvernement encourage les enfants à envoyer un message clair aux adultes : si vous n'agissez pas correctement, vous serez confrontés à la honte d'être dénoncés publiquement», a déclaré John Reid, le ministre de l'Intérieur.
Du côté des défenseurs de la vie privée, on s'élève contre l'absurdité du système. «Le gouvernement a déjà dépensé 10 milliards de livres pour mettre en place ses caméras de surveillance, avance Simon Davies, directeur de Privacy International. Et pour quel résultat ? Aucune étude n'a prouvé qu'elles réduisaient la criminalité. Plutôt que d'investir dans ce gadget, le gouvernement ferait mieux de lutter contre la pauvreté, à l'origine de beaucoup de comportements antisociaux.» Mais, ajoute Davies, «il préfère faire de la publicité sécuritaire et ces caméras en sont devenues l'icône». En effet, 4,2 millions d'yeux électroniques scrutent chaque jour le défilé des Britanniques, soit une caméra pour 14 habitants. Tant qu'en novembre, la Commission de l'information, chargée d'assurer le respect de la vie privée, a signé un rapport alarmant. Selon elle, le Royaume-Uni serait le «pays occidental industrialisé le plus surveillé».